Le Prurigo nodulaire : l’espoir d’une vie sans démangeaison
Longtemps resté méconnu, le prurigo nodulaire émerge peu à peu dans l’espace public et médical. Souvent réduite à tort à problème de peau sans conséquence, cette maladie est sujette à de nombreuses idées reçues : « c’est uniquement psychologique », « c’est contagieux », « il suffit d’arrêter de se gratter »… En réalité, le prurigo nodulaire est une maladie inflammatoire chronique invalidante, dominée par une démangeaison (également appelé prurit) insupportable et des nodules excoriés aggravés par le grattage répété.
Face à ce manque de reconnaissance, la première Journée mondiale du prurigo nodulaire, marque un tournant. Elle vise à sensibiliser le grand public, mieux faire connaître cette pathologie, ses impacts psychologiques et sociaux, mais aussi les maladies associées telles que l’eczéma chronique, les troubles anxiodépressifs ou certaines pathologies systémiques.
Il est temps de briser le silence autour du prurigo nodulaire et de défendre une prise en charge rapide, ciblée et humaine.
Mieux connaître pour mieux comprendre
Le prurigo nodulaire touche principalement les adultes de plus de 50 ans avec une légère prédominance féminine. Sa prévalence est plus importante dans la population à peau foncée : environ 3 fois plus élevée qu’en population caucasienne (1). En France, on estime entre 5 700 et 3 2000 patients qui vivent avec un prurigo nodulaire, souvent dans le silence (2).
Au cœur de cette maladie, un cercle vicieux infernal : un prurit intense qui pousse au grattage répété. Ce grattage abîme la peau, provoquant ou aggravant l’apparition de nodules, ces petites bosses dures et sensibles. Et ces nodules déclenchent ensuite une démangeaison souvent insupportable. Une boucle difficile à briser.
Le corps et l’esprit liés par le prurit
Ce prurit n’est pas une simple sensation : c’est une douleur invisible, une brûlure qui envahit le corps et l’esprit. Il perturbe le sommeil, bouleverse les journées, isole socialement, professionnellement, et fait parfois naître une profonde détresse psychologique.
Les avancées scientifiques récentes éclairent mieux les mécanismes de cette souffrance. On sait désormais qu’il s’agit d’une dermatose inflammatoire chronique liée à une dérégulation neuro-immunologique (déséquilibre entre le système immunitaire et les nerfs dans la peau), créant des sensations de « feu » et de brûlure ainsi qu’une hypersensibilité cutanée qui amplifient la sensation de démangeaison et de douleur.
Prise en charge thérapeutique actuelle
La prise en charge du prurigo nodulaire repose sur une approche globale, combinant plusieurs types de traitements pour soulager le prurit et favoriser la régression des nodules.
- Traitements émollients : indispensables pour restaurer la barrière cutanée et limiter la sécheresse. Par exemple : crème barrière.
- Antihistaminiques : régulièrement utilisés en première intention, ils visent à diminuer la sensation de démangeaison, même si leur efficacité restent souvent limitée.
- Corticoïdes locaux (dermocorticoïdes): appliqués sur les nodules, ils aident à réduire l’inflammation et l’irritation cutanée.
Biothérapies (médicaments injectables en sous cutané) : réservés aux formes modérées à sévères ils nécessitent un suivi médical strict.
- Photothérapie (UVB) : méthode parfois efficace chez certains patients pour calmer le prurit et améliorer l’état de la peau.
Les biothérapies récentes, comme le Dupilumab, déjà disponible en France, et le Nemolizumab, récemment approuvé en Europe (AMM décembre 2024) et en attente de remboursement (prévu au 1er trimestre 2026), ciblent spécifiquement les voies de l’inflammation impliquées dans le prurit et offrent une nouvelle ère d’espoir thérapeutique pour les patients.
Prendre soin de soi au quotidien, même en été
L’hygiène de vie joue un rôle essentiel pour limiter les crises, surtout avec les contraintes saisonnières.
Conseils pratiques pour l’été :
- Protection solaire pour éviter les cicatrices foncées : utilisez un écran solaire à haute protection (indice 30 ou plus) et portez des vêtements légers et respirant (coton, lin, viscose) mais couvrants.
- Baignades : privilégiez l’eau tiède à fraîche. Évitez les bains trop chauds qui agressent la peau. Rincez-vous à l’eau claire après la baignade pour éliminer le sel ou le chlore.
- Hygiène douce : utilisez un gel doux sans savon ni parfum, évitez les frottements avec des éponges rugueuses ou des filets et séchez la peau en tamponnant délicatement.
- Hydratation : appliquez un émollient après la douche pour renforcer la barrière cutanée et réduire les irritations. Vous pouvez mettre votre tube au frigo pour un effet rafraichissant et apaisant.
- Limiter les lésions dues au grattage : gardez les ongles courts, essayez de distraire ou apaiser les démangeaisons avec des compresses fraîches.
- Gestion du stress : testez des activités relaxantes (yoga, méditation, balade en nature) qui aident à diminuer l’intensité des démangeaisons.
Consultez rapidement en cas d’aggravation ou de signes d’infection (rougeur, douleur, écoulement purulent, placard inflammatoire étendu).
A NOTER DANS VOS AGENDAS
21 juin 2025 : Journée mondiale du Prurigo
Participez à la Première Journée Mondiale du Prurigo, un événement en ligne international consacré au prurigo chronique / prurigo nodulaire.
Professionnels de santé, chercheurs, patients et associations : unissons nos voix pour mieux faire connaître cette maladie de peau encore trop méconnue.
Besoin d’écoute, de conseils ? Contactez l’association France prurigo.
Auteur : Dr Estelle Charvet, Dermatologue et vénérologue à Paris (75)
Publié le 20/06/2025
Sources
(1) Boozalis E, et al. Ethnic differences and comorbidities of 909 prurigo nodularis patients. J Am Acad Dermatol. 2018 (2) Misery L, et al. revalence and management of chronic nodular prurigo (CNPG) in Brittany (France): estimation by matching two databases
J Eur Acad Dermatol Venereol. 2021
Agence Européenne des Médicaments (EMA), « Approbation du nemolizumab pour le traitement du prurigo nodulaire », communiqué de décembre 2024.
Haute Autorité de Santé (HAS) France, dossier d’évaluation du nemolizumab, 2025.