La première consultation psoriasis

La première consultation psoriasis

La première consultation est un rendez-vous qu’il ne faut pas manquer. Parce que la société change, le patient atteint de psoriasis change aussi, il est bien différent d’il y a 15 ou 20 ans. De passif et résigné, de mal informé et isolé, il s’exprime désormais, questionne, s’informe et recherche activement l’information. Il devient plus exigeant, notamment en terme de tolérance et de contrainte des traitements. Par ailleurs, les patients atteints de psoriasis modéré à sévère ont souvent une « histoire » et ont déjà souvent consulté plusieurs praticiens, généralistes ou dermatologues. Cette histoire est liée à la chronicité de leur maladie, qui est source d’exaspération, de découragement et de déception aussi. De surcroît, à l’heure où le paraître devient si important, avoir une maladie de peau exposée au regard des autres est désormais très mal vécu, voire n’est plus accepté. C’est dire que l’attente de ces patients est souvent grande, et cette attente n’est pas toujours spontanément exprimée. Chaque patient est particulier, d’où l’importance de bien le connaître afin de lui proposer un traitement adapté à son âge, ses centres d’intérêt et son mode de vie. A titre d’exemple, on ne proposera pas une cure de photothérapie à un patient âgé qui ne peut pas se déplacer ou à un jeune professionnellement actif dont le domicile ou le lieu de travail sont trop éloignés d’un cabinet médical ou d’un centre équipés.

Plusieurs points sont donc particulièrement importants au cours de cette première consultation et peuvent être abordés sans que cela prenne trop de temps avec un peu de pratique: écouter le patient, ce qui permet de faire connaissance, cerner au mieux ses attentes et établir ainsi une véritable relation de confiance. Evaluer correctement la sévérité du psoriasis, qui ne se limite pas à l’étendue de la surface atteinte. Expliquer qu’il s’agit d’une maladie chronique que l’on peut contrôler. Tout ceci permettra d’établir un projet thérapeutique qui aura l’adhésion du patient, condition indispensable d’une bonne observance du traitement.

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La question du temps à consacrer à cette première consultation est bien sûr importante et il ne faut pas l’éluder, tout particulièrement en exercice libéral.

L’essentiel des temps importants de cette consultation (écoute, examen cutané, explication et proposition thérapeutique adaptée) peut être abordé en une vingtaine de minutes avec un peu de pratique, mais varie selon la sévérité du psoriasis. De toute façon, il ne faut pas hésiter à revoir rapidement puis régulièrement dans les premiers mois son patient, pour mieux le connaître, écouter et expliquer à nouveau.

Ecouter et s’intéresser 

Le patient psoriasique doit sentir dès la première consultation que son dermatologue s’intéresse à lui. Il est très sensible à ça et cela conditionne certainement la suite de la prise en charge

Ecouter et poser les bonnes questions ne prendra pas plus de temps mais fera gagner du temps. En connaissant l’âge, l’environnement social, familial et professionnel du patient, on pourra cerner au mieux ses attentes, qui diffèrent selon chaque individu : elles varieront pour quelqu’un de sédentaire ou sportif, un sujet jeune préoccupé par sa vie amoureuse ou professionnelle ou un patient d’âge mûr pour lequel le psoriasis peut-être un vieux compagnon de route.


….Quels sont les antécédents médicaux, les comorbidités associées si elles sont connues (articulaires, cardiovasculaires et métaboliques, psychiatriques), les conduites addictives éventuelles (tabac, alcool), les traitements déjà prescrits pour le psoriasis ? Les questions sur les traitements antérieurs sont instructives  sur l’observance du patient et les contraintes qu’il est capable d’accepter. Une réelle résistance du psoriasis aux traitements prescrits est un facteur de gravité et source de découragement.

….Le patient a-t-il identifié des facteurs déclenchants ou aggravants de ses poussées, très variables d’une personne à l’autre ? Il peut s’agir de stress au sens large du terme, mais aussi de traumatismes ou d’irritation cutanés, certains médicaments, certaines infections bactériennes ou virales, la consommation d’alcool ou de tabac, le changement de saisons. Ces facteurs déclenchants ou aggravants sont très importants à connaitre et il est démontré que lorsque le patient a pu faire le lien entre ces facteurs et la poussée de son psoriasis, le traitement en sera facilité et la rémission de meilleure qualité.

Le psoriasis n’est pas qu’une maladie qui se voit, c’est aussi une affection symptomatique responsable de démangeaisons voire de douleur, qu’il faut rechercher en interrogeant le patient qui n’en parlera pas toujours spontanément. Le grattage, fréquent, stimule et entretien le psoriasis par le phénomène de Koebner (5 minutes de grattage suffisent à prolonger le psoriasis pour 15 jours supplémentaires).

Examiner 

L’examen de l’ensemble de la peau, des muqueuses et des phanères, est indispensable pour évaluer l’importance de la surface corporelle atteinte et apprécier la sévérité. La localisation sur des zones fonctionnelles ou particulièrement visibles participe de façon importante à la sévérité du psoriasis : ainsi un psoriasis étendu sur des régions cachées peut être mieux supporté que des plaques limitées sur le visage ou les mains. L’atteinte génitale n’est souvent pas confiée spontanément par le patient, par pudeur ou par honte, mais retentit sur la vie sexuelle. La localisation au cuir chevelu est prurigineuse et cause un grand inconfort ; elle se voit car les lésions débordent souvent en lisière du cuir chevelu ; elle produit des squames ce qui conditionne le choix des vêtements, les patients évitant les couleurs foncées. L’atteinte des ongles entraine une gêne esthétique mais aussi fonctionnelle pour la réalisation de gestes quotidiens comme le boutonnage des vêtements par exemple ; elle correspond souvent à une véritable enthésopathie et peut être révélatrice ou prédictive d’une atteinte articulaire qu’il faudra rechercher. Un psoriasis évolutif (prurit, extension ou apparition de nouvelles plaques) est plus sévère qu’un psoriasis stable. On comprend donc aisément que la seule mesure de la surface corporelle ne soit pas un critère suffisant pour évaluer la gravité du psoriasis. Le PASI n’est pas utilisé en pratique courante et sert essentiellement à l’évaluation du psoriasis dans les études cliniques.

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L’impact sur la qualité de vie, qui participe de façon prépondérante à la sévérité du psoriasis, peut s’évaluer facilement en quelques minutes par le questionnaire DLQI. Les questions ciblent l’influence du psoriasis sur la vie du patient au cours des 7 derniers jours et concernent la sensation de douleur ou de brûlure, l’activité quotidienne (faire les courses, jardiner…), le choix des vêtements, les activités sociales, le sport, le travail et les études, la vie sexuelle et les désagréments du traitement. Le psoriasis retentit sévèrement sur la qualité de vie pour un score supérieur à 10.

Expliquer 

Il faut expliquer en termes simples qu’il s’agit d’une affection chronique fréquente, qui fait intervenir un dérèglement de notre système immunitaire sensé nous défendre, le tout sur un terrain génétique prédisposant et sous l’influence de facteurs d’environnement, dont le stress mais pas que le stress. Ces facteurs d’environnement jouent le rôle de facteur déclenchants ou aggravants, mais ne sont pas responsables du psoriasis. Tout ceci  entraine une hyperréactivité cutanée, plus ou moins importante d’un patient à l’autre : la peau devient inflammatoire et les lésions sont rouges, elle se renouvelle trop rapidement d’où les squames. L’évolution se fait par poussées qui durent de quelques semaines à plusieurs mois. La fréquence des poussées est très variable et leur survenue n’est pas toujours prévisible. Le message principal est celui d’une maladie chronique qui peut être contrôlée mais que l’on ne peut pas guérir.

Il est important d’expliquer que le contrôle du psoriasis passe par un traitement d’attaque puis d’entretien. Il faut donc insister sur l’intérêt de ne pas arrêter un traitement dès que les plaques ont disparu car la rechute survient alors rapidement, ce qui est toujours source de frustration. Il est essentiel de continuer à se traiter en instaurant un traitement d’entretien, qui devra être prolongé, idéalement 6 mois ou plus (la peau garde en mémoire le psoriasis un an). Pour contrôler son psoriasis, le patient devra aussi choisir entre se gratter ou se traiter… 

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….Il faut rassurer sur le caractère non contagieux, source d’inquiétude.

….On expliquera enfin les indications et le mode d’emploi des traitements, locaux ou généraux, leurs bénéfices et leurs inconvénients, et quelle surveillance on mettra en œuvre.

….Cette phase d’explication, comme le déroulement de l’ensemble de cette première consultation, sont grandement facilités si le patient est déjà informé ou, mieux, préparé à cette consultation : c’est là certainement à mon avis une des missions majeures de l’association de patients France psoriasis.

 

Alors, que faire ?

 Il va falloir adapter l’attente du patient aux possibilités thérapeutiques et c’est très important car sinon il n’y aura pas de bonne observance. A ce moment il y a nécessairement dialogue voire négociation. L’objectif est de trouver le meilleur compromis entre les contraintes, vécues par le patient, liées à la maladie et au traitement, et ce que peut proposer le praticien, qui évaluera toujours la balance bénéfice-risque de chaque traitement.

Tout ceci doit aboutir à un projet thérapeutique qui aura l’adhésion du patient, afin d’obtenir une observance maximale. L’adaptation de ce projet pourra se faire au fur et à mesure des consultations suivantes.

Pour conclure…

La relation médecin-patient doit être basée sur la confiance et l’instauration d’un dialogue, qui doivent être établies dès la première consultation, sous peine d’en faire un rendez-vous raté. Le patient avec son histoire singulière, attend légitimement une écoute attentive de son dermatologue.

L’objectif de cette première consultation est de partir sur de bonnes bases pour établir un projet de soins adapté et librement choisi, ce qui permettra d’optimiser l’observance thérapeutique. Le patient informé et partenaire de son dermatologue pourra ainsi contrôler et, pourquoi pas, oublier son psoriasis.

Auteur : Dr François Maccari – Dermatologue libéral, Ex praticien hospitalier des hôpitaux des armées, consultation dermatoses inflammatoires chroniques Hôpital Bégin St Mandé (94)

20 août 2017