Classification : un Verneuil ou des Verneuils ?

Classification : un Verneuil ou des Verneuils ?

La présentation clinique de la maladie de Verneuil est hétérogène. Les efforts de classification visent l’objectif, encore lointain, d’associer chaque forme à un profil génétique, un processus physiopathologique, un pronostic et une prise en charge spécifiques.


Une classification phénotypique évolutive

L’équipe de Mondor a proposé en 2013 une première classification, distinguant trois formes [1] :

– mammaire-axillaire (48 % des cas), avec tendance aux cicatrices hypertrophiques ;

– folliculaire (26 %), avec en plus de l’atteinte mammaire-axillaire, des localisations aux oreilles, thorax, dos et jambes, et des lésions à type de kystes épidermiques, sinus pilonidal et comédons ;

– glutéale (26 %), associée à des papules folliculaires et une folliculite.

maladie de verneuil

Par la suite, cette classification s’est avérée trop restreinte. Son utilisation pour classer les phénotypes n’a permis un accord entre experts que dans 23 % des cas dans une étude hollandaise [2] et seule la moitié des patients avait un tableau correspondant à l’une des trois formes dans l’étude R-ENS Verneuil (Voir “Epidémiologie de la maladie de Verneuil en 2017, données de la recherche” page 3).

En 2015, une équipe hollando-danoise a, à son tour, élaboré une classification comportant davantage de phénotypes [3] :

– classique ;

– furoncles par friction (frictional furuncle), chez des patients en surpoids présentant de multiples nodules et abcès en zones de friction (abdomen, cuisses, fesses) ;

– folliculite laissant des cicatrices (scarring folliculitis), chez des patients en surpoids et tabagiques, avec des pustules, kystes, nodules superficiels, cicatrices cribiformes, comédons double-pore (fesses, région inguinale, pubis) ;

– conglobata, s’accompagnant de kystes et d’une acné conglobata (dos, visage) ;

– ectopique (visage) ;

– syndromique.

Au fil du temps, des tableaux exceptionnels sont venus s’ajouter à ces phénotypes, par exemple, une forme fulminante, caractérisée par la survenue explosive de lésions sévères, avec fièvre et arthralgies [4] ou encore une présentation lentement évolutive en plaques ressemblant à un pyoderma gangrenosum [5].

D’autres travaux cherchent à cerner les présentations en fonction de données particulières :

– maladie débutée avant l’âge de 13 ans : antécédents familiaux plus fréquents et atteinte plus étendue [6] ;

– patients obèses : phénotypes de type folliculite avec cicatrices et furoncles par friction, conduisant à ajouter un stade de Hurley 1c [7] ;

– mutation du gène de la nicastrine (NCSTN) : localisations à la nuque, au dos et atteinte folliculaire (comédons, papules, folliculite) [8].


Des formes dites syndromiques

Plusieurs syndromes associant MV, pyoderma gangrenosum et acné, avec des lésions articulaires pour certains, ont été distingués :

– PASH (Pyoderma gangrenosum, Acne, Suppurative Hidradenitis) ;

– PAPASH (Pyogenic Athritis, Acne, Pyoderma gangreonsum, Suppurative Hidradenitis) ;

– PASS (Pyoderma gangrenosum, Acne, hidradenitis Suppurativa, ankylosing Spondylitis) ;

– PsAPASH (Psoriatic Arthritis, Pyoderma gangenosum, Acne, Suppurative Hidradenitis).

Les formes syndromiques comprennent aussi les cas d’association à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin ou à la spondylathrite ankylosante (Voir “Maladie de Verneuil : une maladie inflammatoire systémique ?” page 8 et “Suppuration périnéale : comment reconnaître un Verneuil ?” page 9). La MV peut également être observée dans le cadre d’un syndrome SAPHO (Synovite, Acné, Pustulose, Hyperostose, Ostéite), dont elle constitue un critère diagnostique mineur.

Sont aussi classées sous ce vocable les formes associées à d’autres anomalies folliculaires comme dans la tétrade d’occlusion folliculaire (kyste pilonidal, acné conglobata, cellulite disséquante) ou la maladie de Dowling-Degos [9].

Quelques observations de cas induits

Une méta-analyse récente rapporte l’imputabilité de divers médicaments dans la survenue d’une MV, tous susceptibles d’agir sur l’immunité innée (adalimumab, infliximab, étanercept, rituximab, vémurafénib, lithium, ciclosporine…) [10]. Il faut souligner que des facteurs favorisant la MV (obésité, tabagisme, antécédents familiaux) ont été identifiés dans la plupart des observations.

Enfin, des cas survenus de novo après chirurgie bariatrique, sans antécédents familiaux, ont aussi été rapportés [11].


Bibliographie :

Canoui-Poitrine F etal. J Invest Dermatol, 2013;133:1506-1511.

Van Straalen KR etal. J Am Acad Dermatol, 2018;79:577-578.

Van der Zee HH etal. J Am Acad Dermatol, 2015;73:S23-S26.

Moriarty B etal. Br J Dermatol, 2014;171:1576-1578.

Van Rappard DC etal. J Eur Acad Dermatol Venereol, 2016;30:e104-e106.

Decker IE etal. J Am Acad Dermatol, 2015;72:485-488.

Boer J. J Eur Acad Dermatol Venereol, 2018;32:e195-e196.

Xu H etal. Br J Dermatol, 2016;174:927-929.

Rasler DJ etal. J Clin Invest, 2017;127:1485-1490.

Frew JW etal. J Am Acad Dermatol, 2018;78:227-229.

Garcovich S etal. Clin Exp Dermatol, 2018 [Epub ahead of print].


Auteur : Dr Anne-Claire Fougerousse ,Dermatologue, praticien hospitalier Hôpital Bégin Saint Mandé (94)