Diagnostic différentiel : tout n’est pas une dermatite atopique

Diagnostic différentiel : tout n’est pas une dermatite atopique

Quelques diagnostics différentiels de la dermatite atopique

Le diagnostic de dermatite atopique est souvent simple, notamment dans l’enfance. À l’âge adulte, c’est parfois plus compliqué et plusieurs diagnostics différentiels peuvent se discuter devant des tableaux eczématiformes. Le Dr Abasq-Thomas a présenté différents cas cliniques :

    •  Une éruption eczématiforme peut être secondaire à la prise d’inhibiteurs calciques comme chez cette patiente traitée par amlodipine (fig. 1). Dans une étude cas-témoins menée chez 102 patients âgés ayant une éruption eczématiforme, la prise d’inhibiteurs calciques était associée à un risque plus élevé d’avoir un eczéma avec un odds ratio de 2,5 [1,3-4,6] [1]. Lors de l’arrêt du médicament, l’éruption s’améliorait en moyenne en 3 mois. Les diurétiques thiazidiques pourraient aussi être incriminés [2].

    • Le syndrome de Sézary peut se présenter initialement sous la forme d’une éruption eczématiforme profuse. Dans une série rétrospective récente analysant 263 patients porteurs d’un syndrome de Sézary, la présentation initiale était une érythrodermie dans seulement 25,5 % des cas, une dermatose non spécifique dans 49 % des cas et une éruption “atopic dermatitis-like” dans 4,9 % des cas [3].

  •  L’eczéma craquelé généralisé peut s’accocier à une hémopathie ou à un cancer solide. Quand cet eczéma craquelé est mineur, les causes les plus fréquentes sont la carence en zinc, une prise médicamenteuse, le syndrome de Goujerot-Sjögren, l’hypothyroïdie, etc. 

  • La gale est un autre diagnostic différentiel toujours piégeux. Dans une communication aux Journées dermatologiques de Paris en 2016, O. Chosidow rapportait une étude recensant toutes les gales profuses ou hyperkératosiques hospitalisées en Ile-de-France et observait que, pour 42 % d’entre elles, un diagnostic d’eczéma avait été posé initialement.

Fig. 1 : Éruption eczématiforme secondaire à la prise d’amlodipine.

eruption eczematiforme diffuse

Fig. 2 : Éruption eczématiforme diffuse quasi érythrodermique
révélant une pemphigoïde bulleuse.

  •  De façon plus exceptionnelle, une obervation de patient âgé adressé pour une éruption eczématiforme profuse du corps et du visage, quasi érythrodermique (fig. 2) a été décrite. La mise en évidence d’anticorps anti-membrane basale de l’épiderme à 1/10 000 et la positivité de l’immunofluorescence directe sur la biopsie cutanée (dépôts d’IgG le long de la membrane basale) ont permis de poser le diagnostic de pemphigoïde bulleuse. Il s’agit en fait d’une présentation rare mais déjà rapportée dans la littérature où, dans une série de 15 patients avec une pemphigoïde bulleuse sans bulles, 5 avaient une présentation eczématiforme [4]. 
  • Le psoriasis et le syndrome de Netherton ont aussi été évoqués. L’eczéma de contact généralisé n’a pas été développé car il devait faire l’objet d’une communication distincte.

Tout n’est pas qu’une dermatite atopique !

Quand le diagnostic de dermatite atopique est certain, il ne faut pas oublier qu’une dermatose peut se surajouter. La plus fréquente est la surinfection bactérienne. La surinfection herpétique se présente, quant à elle, généralement par une éruption péri-orificielle vésiculeuse associée à une sensation de brûlure et de douleur. Cette surinfection est plus fréquente dans la dermatite atopique persistante et dans la dermatite atopique de type “head and neck”.

Plus rarement, on peut observer la présence de Molluscum contagiosum pouvant avoir un aspect atypique comme chez ce patient avec des papules disséminées sur le corps (fig. 3).

Et parfois, c’est finalement bien une dermatite atopique, mais d’apparition tardive

 Dans la dermatite atopique, trois formes évolutives sont décrites : la forme récidivante, la forme chronique persistante et la forme tardive. Cette dernière est moins connue, elle apparaît à l’âge adulte et, dans 10 % des cas, il n’existe pas d’atteinte des plis mais l’atteinte du cuir chevelu semblerait plus fréquente [5].

molluscum contagiosum

Fig. 3 : Molluscum contagiosum diffus chez un patient avec une dermatite atopique.

Bibliographie

  1. Joly P, Benoit-Corven C, Baricault S et al.
    Chronic eczematous eruptions of the elderly are associated with chronic exposure to calcium channel blockers: results from a case-control study. J Invest Dermatol, 2007;127:2766-2771.
  2. Summers EM, Bingham CS, Dahle KW et al. Chronic eczematous eruptions in the aging: further support for an association with exposure to calcium channel blockers. JAMA Dermatol, 2013;149:814-818. 
  3. Mangold AR, Thompson AK, Davis MD et al. Early clinical manifestations of Sézary syndrome: A multicenter retrospective cohort study. J Am Acad Dermatol, 2017;77:719-727.
  4. Bakker CV, Terra JB, Pas HH et al. Bullous pemphigoid as pruritus in the elderly: a common presentation. J Am Acad Dermatol, 2013;149:950-953.
  5. Ozkaya E. Adult-onset atopic dermatitis. J Am Acad Dermatol, 2005;52:579-582.

 Rédigé par les Drs Emilie Brénaut et Justine Daguzé, d’après la communication du Dr Claire Abasq-Thomas (CHU, Brest).

MAJ : 26 octobre 2018