Suppuration périnéale : comment reconnaître un Verneuil ?

Suppuration périnéale : comment reconnaître un Verneuil ?

Les localisations périnéo-fessières sont fréquentes au cours de la maladie de Verneuil. Des chiffres atteignant 40 % pour les fesses et 51 % pour la zone périanale sont rapportés chez l’homme, 23 % et 33 % respectivement chez la femme [1]. Néanmoins, la MV est une cause rare de suppuration périnéale. Comment la distinguer des autres étiologies ?

Savoir qu’une fistule cryptogénétique est nettement plus fréquente

Les causes de suppuration périnéale en proctologie sont, par ordre de fréquence décroissante :

– 60-70 % : fistule cryptogénétique ;

– 10-20 % : fissure infectée ;

– 3-10 % : maladie de Crohn :

– 3-6 % : maladie de Verneuil et sinus pilonidal.

En tête de liste, la fistule cryptogénétique résulte de l’infection d’une glande d’Hermann et Desfosses, située entre le sphincter externe et l’interne, qu’elle traverse pour s’aboucher dans le canal anal. L’infection s’étend à travers les tissus mous vers la peau. L’abcès se manifeste par une “boule” et une douleur intense, pulsatile, insomniante, que seule l’incision peut soulager. Un petit cordon dur “en mine de crayon” peut être palpé à proximité de l’orifice de drainage externe de la fistule (fig.2).

Fig.2: Fistule cryptogénétique.

Le traitement d’une fistule est toujours chirurgical, après repérage du trajet (cathétérisation avec un stylet, injection d’un colorant dans l’orifice externe…), qui peut être intersphinctérien, suprasphinctérien ou, le plus souvent, transphinctérien supérieur ou inférieur. Le geste curatif consiste à éliminer toute la zone infectée et le trajet fistuleux (fistulotomie), en laissant éventuellement en place un élastique de drainage (séton). La technique vise à épargner au maximum le sphincter externe pour préserver la continence.

Avoir les aspects typiques dans l’œil…

La MV n’occasionne que des suppurations extra-sphinctériennes. Le plus souvent, son aspect en localisation périnéo-fessière est typique et doit faire “tilt” (fig.3). Cependant, il arrive que des lésions de maladie de Crohn (MC) aient une présentation proche. Aux signes cutanés déjà mémorisés par le dermatologue, on peut ajouter deux particularités peut-être moins connues :

– en faveur d’une MV, les cicatrices en “coup d’ongles” ou “pince de crabe” (fig.4) ;

– quasiment pathognomonique de la MC, la marisque inflammatoire (fig.5).

Fig.3: Aspect typique de maladie de Verneuil.

cicatrice-en-coup-dongle-ou-pince-de-crabe

Fig.4: Cicatrice en coup d’ongle ou pince de crabe dans la maladie de Verneuil.

Fig.5: Marisque inflammatoire dans la maladie de Crohn.

La recherche d’antécédents familiaux, de signes digestifs, d’autres atteintes (uvéite, érythème noueux…) et l’inspection des plis permettent le plus souvent leur distinction.

Certaines situations doivent aussi faire penser à une MC :

– une fissure d’un côté de l’anus et un orifice fistuleux externe de l’autre côté ;

– une cicatrisation trainante après la cure chirurgicale correcte d’une fistule ;

– un trajet fistuleux complexe.

Il faut garder à l’esprit les associations possibles entre MV et MC, la survenue d’une MC sur ce terrain étant plus fréquente qu’en population générale (OR = 2 dans une étude danoise [2]).

Le sinus pilonidal, d’aspect caractéristique, s’observe également plus souvent au cours de la MV. Seul un sinus pilonidal présentant des épisodes de surinfection (fig.6) et gênant nécessite d’être opéré. L’intervention, programmée sans urgence, doit veiller à ôter toutes les fossettes.

… et un radiologue spécialisé dans ses tablettes!

Parfois, les explorations habituelles ne permettent pas de savoir si la suppuration traverse le sphincter externe ou sont insuffisantes pour préciser un trajet fistuleux complexe. Une IRM ano-rectale est alors indiquée pour une cartographie avant chirurgie. Il est indispensable d’avoir dans ses correspondants un radiologue expérimenté dans la pratique de ce type d’IRM, pouvant préciser dans son compte rendu le trajet fistuleux et la localisation des orifices interne et externe.

Dans les situations complexes, il ne faut pas oublier la possibilité d’un cancer développé sur des lésions de MC ou d’une tuberculose.

Fig. 6 : Sinus pilonidal infecté.


Bibliographie

Revuz J. J Eur Acad Dermatol Venereol, 2009;23:985-998.

Egeberg A etal. J Invest Dermatol, 2017;137:1060-1064.


Auteur : D’après la communication du Dr Laurent Abramowitz (proctologue chirurgien, CHU Bichat et cabinet libéral, Paris).

Auteur : Dr Pascale Boghen, dermatologue