Maladie psoriasique, cancer et traitements biologiques : quelles relations ?

Il est habituellement rapporté un risque plus important de survenue de tumeurs malignes chez les patients atteints de psoriasis, en particulier certains lymphomes* et les cancers cutanés non mélanome (NMSC)**.  Mais le mécanisme de cette relation entre le psoriasis et le développement du cancer n’est pas clair car plusieurs éléments peuvent intervenir.

Le risque plus élevé de cancer dans la population atteinte de psoriasis peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs : 

  • premièrement, les personnes qui fument, consomment de l’alcool, sont obèses ou présentent un syndrome dyslipidémique sont plus susceptibles d’être atteintes de psoriasis (si vous êtes concerné(e)s par ces éléments, vous pouvez en parler à votre médecin , qui pourra vous accompagner pour limiter ces facteurs de risque);
  • deuxièmement, les médicaments classiques utilisés pour traiter le psoriasis, tels que le méthotrexate, la ciclosporine, la photothérapie, etc. sont liés à un risque un peu plus important de survenue de cancer, d’où l’importance d’un suivi régulier à long terme. A noter que nous disposons actuellement de suffisamment de recul par rapport à ces traitements, avec des données globalement rassurantes, à condition de respecter les prescriptions médicales;
  • et troisièmement, le principal facteur d’altération du système immunitaire qui favorise le développement du cancer est l’inflammation chronique, d’où l’importance d’une prise en charge adaptée de votre psoriasis en cas d’atteinte modérée à sévère.

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Par conséquent, le dépistage systématique et régulier du cancer en fonction de l’âge et de l’histoire personnelle et familiale est particulièrement recommandé chez les patients atteints de psoriasis et plus particulièrement ceux qui suivent un traitement général. Il n’y a donc pas de bilan spécifique obligatoire, il faut suivre les recommandations nationales comme pour tout sujet de même sexe et de même âge.

Il s’avère difficile de comprendre la relation entre l’immunomodulation et la progression du cancer, car l’immunomodulation est de plus en plus reconnue comme un élément essentiel de la prise en charge du psoriasis et de la progression du cancer.

Les anti-TNF, font partie de l’arsenal thérapeutique dans le psoriasis, ils régulent certains facteurs de croissance tumorale.  Des études ont rapporté un risque plus important de NMSC et/ou de lymphome lors de l’utilisation des anti- TNF.

L’analyse des études concernant l’utilisation des anti IL-17 ou anti-IL 12/23 ou anti IL 23 ne retrouve pas de risque significatif de malignité. En plus de leur efficacité et compte tenu de ce faible risque de NMSC et de lymphome associé à l’utilisation de ces molécules, ils sont recommandés comme traitements de seconde ligne après un traitement classique.

Avec l’évolution des traitements anticancéreux, la survie des patients s’est améliorée et nous sommes confrontés à de plus en plus de patients ayant un psoriasis et un cancer.

Quelles sont donc les modalités de prescription des traitements biologiques du psoriasis en cas de cancer ?  

Le cancer est une maladie hétérogène et complexe ; même parmi les patients présentant le même type histologique de cancers et le même stade, plusieurs facteurs, tels que l’âge, le sexe, le tabagisme, les antécédents médicaux et le poids, peuvent modifier le pronostic. C’est pour cela qu’il est très difficile d’établir des recommandations générales.

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Il est généralement admis par la communauté médicale que les traitements biologiques peuvent être prescrits en cas de cancer considéré guéri avec un recul de plus de 5 ans.

Ce délai est arbitraire, il n’y a pas beaucoup de preuves par rapport à ce choix des 5 ans. Il est néanmoins bien connu qu’il y a peu de chances qu’un cancer récidive localement ou à distance cinq ans après le diagnostic.

Avant ce délai des 5 ans, il n’existe pas de recommandations spécifiques et la décision thérapeutique est prise en réunion de concertation pluridisciplinaire entre dermatologues et oncologues.

En revanche, en cas de découverte d’un cancer au décours d’un traitement biologique pour le psoriasis, il faut arrêter le traitement, travailler en collaboration avec les oncologues pour une prise en charge globale du patient.

Par ailleurs, les recherches suggèrent que les traitements biologiques ne sont pas interdits aux patients qui ont déjà eu des cancers et qu’ils doivent être évalués en conjonction avec une évaluation du risque de récidive du cancer (sur la base de facteurs biomoléculaires et du stade de la tumeur, des ganglions et des métastases).  Avant d’envisager un traitement pour le psoriasis, il est essentiel de prendre en compte le pronostic du cancer. Dans les cas où le pronostic du cancer est favorable, les résultats des traitements du psoriasis devraient être similaires à ceux des personnes non traitées atteintes de tumeurs solides en termes de risque. À l’inverse, pour les patients dont le pronostic de cancer est moins favorable, l’objectif principal est d’améliorer leur qualité de vie. Dans ce cas, les bénéfices potentiels du traitement du psoriasis peuvent l’emporter sur les risques théoriques associés à la progression du cancer.

En pratique la question qui se pose donc, peut-on traiter les patients psoriasiques pendant un traitement anticancéreux ?

L’évolution du psoriasis au cours des traitements anticancéreux et imprévisible, ceci est en partie expliqué par l’éventail des mécanismes d’action des traitements anti-cancéreux et de leur impact sur le système immunitaire. Certains patients voient leur psoriasis s’aggraver. Il faut savoir que certains patients entrent dans la maladie psoriasique au décours d’un traitement de leur cancer.

En l’absence de recommandations, une approche multidisciplinaire est nécessaire. Pour déterminer comment traiter un patient, il faut tenir compte :

  • de la gravité clinique du psoriasis,
  • du stade et du pronostic du cancer,
  • ainsi que des souhaits du patient.

Les décisions doivent être prises conjointement avec le patient dans le cadre d’une approche personnalisée.

Pour le traitement du psoriasis, les inhibiteurs de l’IL-17 et de l’IL-23 sont généralement recommandés.

Conclusion

Les patients psoriasiques ont un risque plus élevé de développer un cancer, bien que la relation exacte entre le psoriasis et le développement du cancer ne soit pas claire et puisse être influencée par plusieurs facteurs.  

Les antécédents de cancer constituent une comorbidité potentielle pour de nombreux patients psoriasiques.

La collaboration entre oncologues et dermatologues est essentielle compte tenu de l’augmentation du nombre de patients ayant des antécédents de cancer et de l’utilisation croissante de médicaments immunomodulateurs.

Auteur : Dr Inès Zaraa, dermatologue hôpital Saint-Joseph Paris, membre RESO.

Références : Battista T, Gallo L, Martora F, Fattore D, Potestio L, Cacciapuoti S, Scalvenzi M, Megna M. Biological Therapy for Psoriasis in Cancer Patients: An 8-Year Retrospective Real-Life Study. J Clin Med. 2024 : 27;13:1940. Denaro N, Nazzaro G, Murgia G, Scarfì F, Cauchi C, Carrera CG, Cattaneo A, Solinas C, Scartozzi M, Marzano AV, Garrone O, Passoni E. A Multidisciplinary Approach to Patients with Psoriasis and a History of Malignancies or On-Treatment for Solid Tumors: A Narrative Literature Review. Int J Mol Sci. 2023 : 16;24:17540.

17/05/2024