Panorama des possibilités thérapeutiques pour le traitement de la dermatite atopique de stade modéré à sévère en 2023.
La prévalence de la dermatite atopique en France est estimée a environ 5% de la population générale. La dermatite atopique de l’adulte est généralement un eczéma très inflammatoire associé à une lichénification qui va fortement impacter la qualité de vie des patients qui en sont atteints. Pour le traitement de la dermatite atopique après echec et/ou contre indication à un traitement par ciclosporine, un certain nombre d’options thérapeutiques sont actuellement disponibles.
Deux biothérapies en injections sous cutanées :
- Le dupilumab (Dupixent) est un anti-IL4/IL13R disponible en France depuis mars 2017. Son autorisation de mise sur le marché (AMM) a été obtenue grâce aux données des études SOLO 1 et 2 qui ont inclus 1 379 patients ayant une dermatite atopique modérée à sévère. À la semaine 16, et en monothérapie de dupilumab,environ 50 % des patients obtenaient un EASI 75. Dans l’étude CHRONOS (dupilumab + dermocorticoïdes), ce taux était de 64 % de patients atteignant un EASI 75 (versus 23 % pour le groupe placebo + dermocorticoïdes). La réponse était prolongée dans le temps [4]. La posologie, pour l’adulte, de ce traitement administré par injection sous-cutanée est une dose de charge de 600 mg puis 300 mg toutes les 2 semaines. Une extension d’AMM pour le dupilumab est effective depuis mai 2020 pour les adolescents de 12 à 17 ans et depuis avril 2021 pour les enfants de 6 à 11 ans. Une autorisation d’accès précoce au dupilumab a récemment été octroyée au dupilumab pour le traitement de la dermatite atopique sévère de l’enfant âgé de 6 mois à 5 ans candidat à un traitement systémique.
- Le tralokinumab (Adtralzaâ) est un anti-IL13 disponible en France depuis octobre 2021. L’AMM et le remboursement dans l’indication dermatite atopique de stade modéré à sévère de l’adulte ont été obtenues suite à l’analyse de quatre études cliniques de phase III: ECZTRA 1 et 2 (tralokinumab en monothérapie), ECZTRA 3 (tralokinumab en association aux dermocorticoïdes), ECZTRA 7 : patients en échec à la ciclosporine (réponse insuffisante, intolérance ou contre-indication). Selon les résultats de ces études, le tralokinumab a démontré sa supériorité par rapport au placebo, sur les deux cocritères de jugement principaux :
- Pourcentage de répondeurs IGA 0 ou 1 à S16 : ECZTRA 1 : 15,8 % (p = 0,002) ; ECZTRA 2 : (p < 0,001) ECZTRA 3: 38,9 % (p = 0,015).
- Pourcentage de répondeurs EASI-75 à S16 : ECZTRA 1 : 25 % (p < 0,001), ECZTRA 2 : 33,2 % (p < 0,001) ; ECZTRA 3: 56 % (p < 0,001); ECZTRA 7: 64,2 % (p = 0,018).
La dose recommandée de tralokinumab pour les patients adultes est une dose initiale de 600 mg (4 injections SC de 150 mg) ; suivie de 300 mg (2 injections SC de 150 mg) administrés toutes les 2 semaines.
Trois inhibiteurs de Janus Kinase (JAK) par voie orale :
- Le baricitinib (Olumiant â) est un inhibiteur de JAK 1 / 2 remboursé dans l’indication dermatite atopique de stade modéré à sévère de l’adulte depuis mars 2021. L’évaluation de l’efficacité et de la tolérance du baricitinib dans cette indication repose sur 5 études de phase III ayant inclus des patients traités par baricitinib en monothérapie ou en association avec les dermocorticoïdes (études BREEZE-AD). Dans les études BREEZE-AD1 (624 patients inclus) et BREEZE AD2 (615 patients inclus), un nombre de patients plus élevé a atteint un score EASI75 dans les bras baricitinib 4mg et 2mg en comparaison avec le placebo (baricitinib 4mg 24,8 %/21,1 % [p<0,05]; 2mg 18,7 %/17,9 % [p<0,05]; et placebo 8,8 %/6,1 %, respectivement). Des résultats significatifs d’amélioration du prurit ont été obtenus précocement, dès la première semaine pour la dose de 4mg et dès la deuxième semaine pour la dose de 2mg. Des améliorations ont été observées dès la première semaine avec les doses de 2 et 4mg en termes de réveils nocturnes, de douleur cutanée, de DLQI, et de Patient-Oriented Eczema Measure (POEM).
La dose recommandée de baricitinib est de 4 mg une fois par jour. Une dose de 2 mg une fois par jour est reecommandée pour les patients de 65 ans et plus et éventuellement aux patients ayant des antécédents d’infections chroniques ou récurrentes. Une dose de 2 mg une fois par jour peut être également envisagée pour les patients dont l’activité de la maladie est contrôlée durablement avec la dose de 4 mg une fois par jour et qui sont éligibles à une diminution de la dose.
L’abrocitinib (Cibinqoâ) est un inhibiteur de JAK1 remboursé dans l’indication dermatite atopique de stade modéré à sévère de l’adulte depuis septembre 2022. Pour rendre cet avis, la commission de transparence de la HAS s’est appuyée sur les résultats de cinq études, parmi lesquelles trois études de phase III de supériorité, randomisées, en double-aveugle, multicentriques ayant démontré la supériorité de l’abrocitinib 100 mg et 200 mg par rapport au placebo en termes de réponses IGA 0 ou 1, EASI-75 et de prurit : les études JADE MONO-1 et 2, d’une durée de 12 semaines, ayant évalué l’abrocitinib 100 mg et 200 mg en monothérapie vs placebo chez des adultes et des adolescents de 12 ans et plus. Ainsi que l’étude JADE COMPARE, d’une durée de 20 semaines, ayant évalué l’abrocitinib 100 mg et 200 mg vs placebo et vs dupilumab chez des adultes sous traitements de fond topiques qui a démontré la supériorité de l’abrocitinib 200 mg par rapport au dupilumab en terme de réponse :
- IGA 0 ou 1 et amélioration ≥ 2 points, à la semaine 12 : 12,9 % dans le groupe placebo ;34,8 % dans le groupe abrocitinib 100 mg (p < 0,0001) ; 47,5 % dans le groupe abrocitinib 200 mg (p < 0,0001) ; 38,8 % dans le groupe dupilumab 300 mg.
- EASI-75 à la semaine 12 (comparaison au placebo) : 30,6 % dans le groupe placebo ; 60,3 % dans le groupe abrocitinib 100 mg (p < 0,0001) ; 71,0 % dans le groupe abrocitinib 200 mg (p < 0,0001) ; 65,5 % dans le groupe dupilumab 300 mg.
La dose initiale recommandée est de 200 mg d’abrocitinib 1 fois par jour. Une dose initiale moindre doit être prescrite pour les patients de 65 ans et plus, en cas d’insuffisance rénale modérée ou du fait du risque d’interactions médicamenteuses.
L’upadacitinib (Rinvoqâ) est un inhibiteur de JAK1 remboursé dans l’indication dermatite atopique de stade modéré à sévère de l’adulte et de l’adolescent > 12 ans depuis octobre 2022. Pour rendre cet avis, la commission de transparence de la HAS s’est basé notamment sur les résultats des études :
- Measure-Up 1 et 2, deux études de supériorité, de même méthodologie, randomisées, en double aveugle, multicentriques, ayant comparé l’upadacitinib 15 et mg 30 mg au placebo chez l’adulte et l’adolescent: la supériorité de l’upadacitinib en monothérapie a été démontrée par rapport au placebo, avec une quantité d’effet importante, en termes de réponses IGA 0 ou 1, EASI-75 (Upadacitinib 30 mg 79.7%, Upadacitinib 15 mg 69.6%, placebo 16.3%), EASI 90 (Upadacitinib 30 mg 65.8%, Upadacitinib 15 mg 53.1%, placebo 8.1%), EASI-100 (Upadacitinib 30 mg 27%, Upadacitinib 15 mg 16.7%, placebo 1.8%), et de prurit après 16 semaines de traitement ;
- AD-Up, une étude de supériorité, randomisée, en double aveugle, multicentrique, ayant comparé l’upadacitinib 15 mg et 30 mg en association à un dermocorticoïde (DC) vsun DC seul, chez l’adulte et l’adolescent : la supériorité de l’upadacitinib 15 mg et 30 mg en association à un DC a été démontrée par rapport à un DC seul en termes de réponses EASI-75 et d’IGA 0 ou 1 à 16 semaines ;
- Heads-Up, une étude de supériorité, randomisée, en double aveugle, multicentrique, ayant comparé l’upadacitinib 30 mg au dupilumab300 mg chez l’adulte: la supériorité de l’upadacitinib 30 mg a été démontrée par rapport au dupilumab en termes de réponse EASI-75 (71 % vs 61,1 % , p = 0,006), de réponse EASI-90 (60,6 % vs 38,8 %, p < 0,001) et de variation du score de prurit (WP-NRS : -66,88 vs -49,04, p < 0,001) après 16 semaines de traitement.
Chez l’adulte, la dose recommandée d’upadacitinib est de 15 mg ou 30 mg 1 fois par jour, selon les caractéristiques individuelles de chaque patient. En traitement d’entretien, la dose efficace la plus faible doit être envisagée. Pour les patients âgés de 65 ans et plus, la dose recommandée est de 15 mg 1 fois par jour. Pour l’adolescent (de 12 à 17 ans), la dose recommandée d’upadacitinib est de 15 mg 1 fois par jour chez les adolescents pesant au moins 30 kg.
Recommandations du comité de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA)et inhibiteurs de JAK émise en novembre 2022
Afin de réduire le risque d’effets secondaires graves (troubles cardiovasculaires, caillots sanguins, infections graves, cancers) associés aux inhibiteurs de Janus Kinase (JAK), quand ces médicaments sont utilisés dans le traitement de maladies inflammatoires chroniques
Ces médicaments ne soient utilisés qu’en l’absence d’alternative thérapeutique appropriée chez les patients :
- Âgés de plus de 65 ans
- Avec des facteurs de risque d’évènements cardiovasculaires majeurs (tels qu’une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral)
- Avec des facteurs de risque de cancer
- Présentant un tabagisme (présent ou passé) ;
Les inhibiteurs de JAK soient utilisés avec prudence chez les patients présentant des facteurs de risque de caillots sanguins dans les poumons et dans les veines profondes (risque de thrombo-embolie veineuse) ;
La posologie soit réduite pour certains groupes de patients présentant un risque de thrombo-embolie veineuse, de cancer ou d’évènements cardiovasculaires majeurs.
Perspectives thérapeutiques
De très nombreuses molécules sont en développement pour le traitement de la dermatite atopique que cela soit par voie topique (roflumilast, tapinarof, ruxolitinib…) ou par voie systémique (lebrikizumab, anti OX40-L, etrasimod…). Ce qui devrait encore élargir notre arsenal thérapeutique et les possibilités d’améliorer le quotidien de nos patients souffrant de dermatite atopique.
1) Simpson EL, Bieber T, Guttman-Yassky E, Beck LA, Blauvelt A, Cork MJ, Silverberg JI, Deleuran M, Kataoka Y, Lacour JP, Kingo K, Worm M, Poulin Y, Wollenberg A, Soo Y, Graham NM, Pirozzi G, Akinlade B, Staudinger H, Mastey V, Eckert L, Gadkari A, Stahl N, Yancopoulos GD, Ardeleanu M; SOLO 1 and SOLO 2 Investigators. Two Phase 3 Trials of Dupilumab versus Placebo in Atopic Dermatitis. N Engl J Med. 2016 Dec 15;375(24):2335-2348.
2) Wollenberg A, Blauvelt A, Guttman-Yassky E, Worm M, Lynde C, Lacour JP, Spelman L, Katoh N, Saeki H, Poulin Y, Lesiak A, Kircik L, Cho SH, Herranz P, Cork MJ, Peris K, Steffensen LA, Bang B, Kuznetsova A, Jensen TN, Østerdal ML, Simpson EL; ECZTRA 1 and ECZTRA 2 study investigators. Tralokinumab for moderate-to-severe atopic dermatitis: results from two 52-week, randomized, double-blind, multicentre, placebo-controlled phase III trials (ECZTRA 1 and ECZTRA 2). Br J Dermatol. 2021 Mar;184(3):437-449.
3)Simpson EL, Lacour JP, Spelman L, Galimberti R, Eichenfield LF, Bissonnette R, King BA, Thyssen JP, Silverberg JI, Bieber T, Kabashima K, Tsunemi Y, Costanzo A, Guttman-Yassky E, Beck LA, Janes JM, DeLozier AM, Gamalo M, Brinker DR, Cardillo T, Nunes FP, Paller AS, Wollenberg A, Reich K. Baricitinib in patients with moderate-to-severe atopic dermatitis and inadequate response to topical corticosteroids: results from two randomized monotherapy phase III trials. Br J Dermatol. 2020 Aug;183(2):242-255.
4) Bieber T, Simpson EL, Silverberg JI, Thaçi D, Paul C, Pink AE, Kataoka Y, Chu CY, DiBonaventura M, Rojo R, Antinew J, Ionita I, Sinclair R, Forman S, Zdybski J, Biswas P, Malhotra B, Zhang F, Valdez H; JADE COMPARE Investigators. Abrocitinib versus Placebo or Dupilumab for Atopic Dermatitis. N Engl J Med. 2021 Mar 25;384(12):1101-1112.
5)Guttman-Yassky E, Teixeira HD, Simpson EL, Papp KA, Pangan AL, Blauvelt A, Thaçi D, Chu CY, Hong HC, Katoh N, Paller AS, Calimlim B, Gu Y, Hu X, Liu M, Yang Y, Liu J, Tenorio AR, Chu AD, Irvine AD. Once-daily upadacitinib versus placebo in adolescents and adults with moderate-to-severe atopic dermatitis (Measure Up 1 and Measure Up 2): results from two replicate double-blind, randomised controlled phase 3 trials. Lancet. 2021 Jun 5;397(10290):2151-2168.
Auteur: Dr Ziad Reguiai, Dermatologue, polyclinique de Courlancy Reims-Bezannes (51)