Maladies auto-immunes (MAI) et activité physique
Les MAI sont en rapport avec une anomalie de la réponse inflammatoire, disproportionnée, qui se déclenche après une stimulation interprétée par l’organisme comme un signal de danger, une agression. Le bon sens voudrait qu’on laisse passer le ou les orages inflammatoires et que l’on évite toute activité physique. C’est paradoxalement une erreur.
Les maladies auto-inflammatoires sont des maladies capricieuses et toute situation nouvelle peut être interprétée par votre corps comme une attaque et déclencher une poussée de la maladie. Pour éviter ce phénomène, il faut progressivement habituer le corps à cette activité physique qui fera alors « partie du paysage ».
Pourquoi cet acharnement à vouloir pratiquer une activité physique régulière, adaptée ?
Loin d’être un facteur aggravant pour la maladie, l’activité physique aide à diminuer le nombre d’accès inflammatoires, leur durée et leur intensité. Les effets inflammatoires générés à court terme sont contrecarrés par le déclenchement de mécanismes de régulation interne qui ont une activité anti-inflammatoire puissante et rapide. Avec l’entraînement, les mécanismes anti-inflammatoires deviennent plus puissants que les effets générateurs de l’inflammation. Les patients présentant une MAI ont des capacités énergétiques fortement altérées par rapport à la population générale, leur capacité à utiliser l’oxygène (capacité aérobie maximale) est diminuée et leur réserve aérobie et faible. Il en résulte une capacité physique globale diminuée.
Il limite l’intensité des états de fatigue en rapport avec la maladie. Il existe également une action antistress, antidépresseur fort utile chez des patients pour lesquels la maladie est un fardeau permanent.
Le maître mot est de se faire plaisir par une activité choisie, et ainsi redécouvrir le bonheur de bouger son corps seul ou avec d’autres, en pleine nature aussi bien qu’en intérieur.
L’activité physique est un moyen de mieux connaître votre corps, d’apprivoiser la maladie, de développer une capacité d’adaptation et ainsi de modifier le rapport de son corps, son psychisme à la maladie. Le but à long terme est de se réconcilier avec son corps, de ressentir le plaisir de bouger et de pratiquer une activité physique sans douleur. La variété et la diversité des exercices renforceront la motivation à continuer les efforts.
Une progression des aptitudes à des efforts d’intensité et de durée plus importante sera une récompense et aussi une source de fierté.
Enfin, l’activité physique et le sport présentent une dimension sociale. Parfois écartées d’un groupe, il est possible ainsi de réintégrer ce type de valeur.
En pratique, que faut-il envisager ?
Lorsque le corps interprète mal une activité sportive et déclenche une poussée inflammatoire pour la combattre 2 clés sont à retenir : modération, progression.
Certaines activités physiques ne sont pas très favorables car la dépense énergétique est importante et son contrôle difficile à gérer. On pense en premier lieu aux sports d’équipe comme le football, le rugby… mais aussi les sports requérant de la force et des actions explosives comme la majeure partie des disciplines de l’athlétisme tout autant que la zumba et le cross fit. Si l’on reprend une activité physique abandonnée de longue date, car à chaque fois responsable d’une poussée douloureuse, il ne faut sans doute pas commencer par ce type de sport. Il ne faut pas rechercher la performance qui sera peut-être possible secondairement.
La désadaptation des patients à l’effort est une évidence, il est donc primordial de prévoir un programme progressif de réadaptation à l’effort. Il faut éviter tout travail au-delà de 80 % de la fréquence maximum théorique et même en règle générale ne pas dépasser 70 %.
L’utilisation d’un cardio fréquencemètre peut être une aide précieuse.
En cas de poussée inflammatoire articulaire on peut continuer une activité physique tout en protégeant l’articulation atteinte. Pendant ces phases douloureuses des règles supplémentaires s’appliquent. On privilégie les exercices isométriques et en proprioception, le travail en décharge sur les articulations inflammatoires en privilégiant les articulations en position de repos.
Activité physique et psoriasis
Si l’on sait parfaitement que l’activité physique est bénéfique pour un grand nombre de facteurs :
- La durée de vie en bonne santé pour un patient qui pratique régulièrement trois heures d’activité physique par semaine pendant 10 ans sera prolongé de 10 ans
- L’activité physique régulière diminue la mortalité cardio-vasculaire, le cancer du sein, le cancer du côlon, la récidive du cancer…
- L’activité physique lutte contre le l’obésité, la dépression, le stress…
Mais qu’en est-il du psoriasis ?
Si le sport est un allié en cas de psoriasis, une étude américaine suggère qu’il aurait également une vertu préventive : les personnes pratiquant régulièrement une activité physique vigoureuse – 1h30 de course, de natation ou de tennis par semaine – auraient 20 à 30% de risques en moins de développer la maladie. Un élément intéressant pour les personnes qui y sont prédisposées génétiquement. Cette étude américaine a débuté en 1991 et a suivi exclusivement des femmes (86 655) durant 14 ans. Les participantes avaient entre vingt-sept et quarante-quatre ans au début de l’étude et aucune ne souffrait de psoriasis. Au cours de l’étude, les auteurs ont recueilli des informations leur permettant d’évaluer le niveau d’activité physique de chaque participante. Au terme de l’étude, 1 026 cas de psoriasis ont été observés. Les femmes qui pratiquaient une activité physique jugée vigoureuse (correspondant à 120 minutes de jogging ou 3 heures de tennis ou de natation par semaine), avaient le risque le plus faible de développer un psoriasis.
L’activité physique fait par ailleurs partie de ce que l’on nomme l’hygiène de vie.
On constate que les pratiquants réguliers d’une activité physique ont en moyenne un poids moins élevé, des habitudes de consommation d’alcool et de tabac largement réduit par rapport à la population tout venant. Or on sait parfaitement qu’un indice de masse corporelle plus élevée, une prise de poids, une consommation d’alcool ou de tabac sont des facteurs favorisants pour majorer le psoriasis ou pour déclencher des poussées.
L’activité physique est parfois difficile à réaliser pour des problèmes esthétiques. Se dévêtir dans les vestiaires d’un club de sport, exposer son corps en maillot de bain au bord d’une piscine n’est pas une chose aisée pour les personnes atteintes de psoriasis. Les plaques de psoriasis sont souvent sources de regard interrogateur, de répulsion voir de crainte d’une contagiosité. Une étude a montré que la moitié des patients atteints de psoriasis ne pratiquent pas de sport et 42 % disent y renoncer à cause de leur maladie. Certains patients refusent de s’exposer au regard des autres car ils ont honte.
Tous les sports ne sont pas « égaux ». Ceux qui génèrent beaucoup de frottement risquent d’induire un phénomène de Koebner, c’est-à-dire l’apparition ou l’aggravation d’une plaque de psoriasis sur la zone de friction. Certains sports de contact sont ainsi à éviter. L’adaptation d’une selle de vélo, d’un vêtement est aussi à considérer. Les activités aquatiques sont à encourager : il n’y a pas d’effet délétère de l’eau sur la peau psoriasique si elle n’est pas trop chaude ; l’eau salé « pique » les plaques mais une fois rincée à l’eau douce, n’aggrave pas les plaques.
Lorsqu’un traitement est instauré, il n’y a pas de restrictions véritables mais il faut prendre en compte les effets indésirables ou secondaires des traitements :
- la sécheresse induite par l’acitrétine (Soriatane) ;
- le risque de crampe lié au manque de magnésium avec la ciclosporine (Neoral)
- la fatigue liée au méthotrexate (Imeth, Novatrex, Nordimet) ;
- le risque délétère d’une déshydratation après un effort intense sur l’élimination rénale du méthotrexate ou de la ciclosporine ;
- le risque de selles plus fréquentes avec l’apremilast (Otezla ) ;
- le risque variable selon les molécules, des infections en particulier pulmonaires, ORL, herpétiques avec la Cicloporine, le méthotrexate, et les biothérapies. Il faut d’ailleurs souligner qu’un effort physique intense prolongé, type semi-marathon entraine une déplétion lymphocytaire transitoire (diminution temporaire des globules blancs de petite taille) de quelques heures à prendre en compte dans le contexte.
Quelques conseils aux sédentaires
Il est indispensable de garder une activité physique régulière que ce soit dans le cadre de son activité professionnelle ou pendant les vacances ce qui est souvent beaucoup plus facile.
Lorsque l’on est télétravaille, il est possible d’effectuer un certain nombre d’activités physiques tout à fait favorables.
Si l’on a la chance de posséder un vélo d’appartement c’est sans doute l’exercice idéal. En fonction de ses habitudes, il faudra éventuellement effectuer une progression 10’ puis un quart d’heure pour arriver à une demi-heure régulière.
Secondairement, le fait de faire du vélo quatre à cinq fois par semaine une demi-heure avec une vitesse de rotation suffisante, c’est-à-dire environ 80 tr/m avec une résistance qui soit adaptée à cette possibilité de tourner vite. Si l’on n’a pas de vélo d’appartement parfois il suffit de mettre son vélo de ville voir de sport sur un home trainer qui donne des sensations très comparables au vélo d’extérieur sans bénéficier de la chance d’être au grand air.
On peut également effectuer un travail au niveau des membres inférieurs : des flexions jusqu’à 90° qui sont répétées, la classique « chaise » appuyé contre un mur sans fléchir trop les genoux.
On peut également travailler les muscles derrière la cuisse, les ischio-jambiers, à partir d’une position allongée sur le dos, jambe en crochet, on effectue des mouvements de relèvement du bassin, comme un pont avec une angle de flexion de genou variable qui réveille la sensation de contraction derrière les cuisses. Les montées sur pointes des deux pieds, (bipodal), d’un pied (unipodal) sont également intéressantes surtout si la redescente est lente.
Au niveau des membres supérieurs on peut effectuer des pompes soit directement sur le sol pour les sujets très entraînés soit sur une table ou une chaise si l’entraînement est moindre.
Les élastiques sont un instrument de gymnastique tout à fait intéressant. Vendus dans le commerce pour un prix tout à fait modique les élastiques avec différentes résistances permettent d’effectuer un travail des fixateurs de l’omoplate, des triceps, des pectoraux, des rotateurs externes de l’épaule….
S’il n’est pas possible de se rendre dans une salle de sport ou sur un stade comme c’est le cas en période de confinement et si dans l’avenir on manque de temps, il existe la possibilité de suivre des cours en ligne avec une multitude de programmes virtuels souvent de bonne qualité.
Quand cela sera possible la marche, la marche à vitesse rapide la course sont très intéressants pour garder une forme satisfaisante.
À l’évidence, le télétravail va se développer compte tenu d’un certain nombre de facteurs malheureusement répétitifs : grèves, accidents, maladie…
Pour pouvoir effectuer plusieurs heures de travail chez soit, il faut sans doute repenser son environnement, le canapé, le lit, le tabouret ne sont pas faits pour rester plusieurs heures en position assise sous peine de mal de dos.
Celui-ci est sans aucun doute facilité par plusieurs facteurs :
La posture, le temps passé à l’activité professionnelle, le stress.
Il faut être bien assis. L’idéal est d’avoir un support qui permette de bien caler le dos. Les pieds doivent pouvoir toucher le sol afin de maintenir le bassin au fond du siège et le stabiliser. Un siège réglable est utile pour adapter au mieux la position En ce qui concerne l’ordinateur il faut qu’il soit situé face à son visage, à hauteur des yeux. La tête doit donc être dans l’axe du corps. Les coudes sont fléchis à 90° les avant-bras reposent sur le plan de travail. Si cela est possible la dictée vocale peut-être un élément intéressant surtout si elle est effectuée avec un casque.
Il faut multiplier les pauses mêmes si celles-ci sont courtes. En fonction de chacun d’entre-nous ces pauses peuvent être toutes les 20 minutes toutes les demi-heures ou toutes les heures.
«Cela paraît toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait.»
Nelson Mandela
Auteur: Dr Jacques Parier, médecin du sport à Paris.
Date : 17/05/2024